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Les femmes écrivains et artistes engagées en politique dans les pays musulmans.

28 avril 2005

Histoire de l’Iran : Les Iraniens ne sont pas

Histoire de l’Iran :

Les Iraniens ne sont pas arabes, mais d'origine arienne et possèdent une langue indo-européenne : le Persan. .
Le XVIe siècle voit le retour de l’indépendance sous la dynastie des safavides puis sous d’autres lignées de rois ou châhs. La conversion de l'Iran au chiisme résulte d'une volonté s'affirmer face à la domination des Ottomans sunnites. La conversion permet de constituer les bases d'un État fort à partir d'une identité spécifique.La conversion religieuse est donc une stratégie politique.A partir de cette rupture L'Iran a suivi un chemin à part dans le monde islamique. D'où une iranisation du chi'isme : formation d'un véritable clergé, radicalisation du discours religieux et imprégnation culturelle de rites chi'ites comme celui des martyrs. Autonomie institutionnelle et financière des 'Uléma ; mise en place d'une direction spirituelle : les grands ayatollahs qui se réunissent et choisissent celui au-dessus d'eux. Ce sont les interprètes de la loi divine. Institution liée par un esprit de corps mais différences fortes d'un ayatollah à un autre. Ils sont autonomes, ont chacun des représentants locaux et chacun peut délivrer des diplômes, peuvent nommer leurs représentants, ouvrir des centres d'études et disposent d'une autonomie financière par les dons des fidèles.


Au cours du XIXe siècle, la Perse subit les influences conjuguées de la Russie et du Royaume-Uni ; commence alors un processus de modernisation qui continuera jusqu’au XXe siècle.
En 1906, à la suite d’un soulèvement important, le châh accorde au peuple une constitution (le pouvoir reste cependant essentiellement dans ses mains). En 1908, la découverte de pétrole fait de la Perse un enjeu stratégique majeur. Le Royaume-Uni s’efforce d’y établir un protectorat mais il en est empêché par la prise du pouvoir par Reza Khan au moyen d’un coup d’état en 1925. Il devient alors châh de Perse, sous le nom de Mohammad Reza Pahlavi. En 1935, il demande aux autres pays de désigner son royaume sous le nom d’ Iran et non plus sous celui de Perse.
En 1953, le Premier ministre iranien Mohammed Mossadeq est éloigné du pouvoir à la suite d’un complot orchestré par les services secrets britanniques et américains (opération Ajax). Après la chute de Mossadeq, le châh d’Iran Mohammad Reza Pahlavi met progressivement en place une dictature. En 1955, l'Iran appartient au pacte de Bagdad et se trouve alors dans le camp américain pendant la guerre froide. Avec l’aide des États-Unis et de la Grande-Bretagne, le châh modernise l’industrie iranienne mais restreint les libertés individuelles. Son règne autocratique, l’utilisation systématique de la torture et les autres violations répétées des droits de l’homme poussent le peuple à se révolter.

La révolution iranienne

Le pouvoir du Chah est devenu de plus en plus autoritaire et l'opposition est désorganisée. Opposition de la grande aristocratie foncière désorganisée par la réforme agraire ; les nationalistes sont marginalisés car ne se sont pas adaptés à un pays qui a connu de multiples réformes ; l'industrie du pétrole a éloigné une partie de la population d'un militantisme revendicatif.

La fin des années 1970 est marquée par une crise latente du système économique. La Mosquée est le centre de la contestation révolutionnaire et devient une contre-société. Le clergé chi'ite a toujours existé et a eu une politique d'accord avec la monarchie, jusqu'en 70. très forte idéologisation du chi'isme due à Ali Chariat qui opère une synthèse entre islam chi'ite et idées progressistes et révolutionnaires de l'époque, sur la théologie de la libération. Il fait une relecture de l'eschatologie chi'ite en termes révolutionnaires. Il interprète et élabore une thèse entre radicalisme religieux et la révolution politique. Très fortes influences marxistes, combinées avec l'islam. Il va s'établir un croisement d'intérêts en faveur des révolutionnaires. En Iran, forte opposition au Chah par le haut clergé et le Bbazar, qui n'ont pas de projet de société et opposés à l'extrême gauche. Donc, ils préfèrent soutenir les forces religieuses, même si sont aussi révolutionnaires. L'institution cléricale quadrille le territoire, a une capacité d'indépendance par rapport au pouvoir et donc, la mosquée va remplacer un certain nombre d'organes étatiques défaillants : devient le centre de distribution des produits de première nécessité et le quartier général des organes révolutionnaires. La référence à la religion permet une relecture unanime de la révolution. Chacun peut y trouver son compte. La référence à l'islam est une garantie de retour à des valeurs traditionnelles pour ceux qui ont connu la modernisation. Pour la jeunesse, ce projet est une revanche sur les oppresseurs. Pour les classes rurales, qui ont été soumises aux migrations, c'est porteur d'espoir de rétablissement de l'ancien monde rural. Pour le clergé, c'est l'espoir d'une gestion islamique de l'État. Pour les classes urbaines, c'est l'espoir de plus de liberté et de changement social. Les objectifs et intérêts sont différents, mais se retrouvent dans cette vision politico-religieuse radicale. Les émeutes sont soutenues par le clergé et Romeni ( qui apparaît comme ayant une continuité avec leur idéologie), qui appelle au soulèvement et à un nouveau régime sur les bases de l'islam. Il existe autant de diversités du chi'isme que de populations dans différents pays. À la suite de la révolution iranienne, il y a une volonté de s'établir comme le nouveau du chi'isme politique.

Après plus d’un an de luttes entre les différents groupes politiques le Châh est renversé en 1979. C'est finalement une république islamique qui est établie, sous l’autorité de l’ayatollah Khomeiny.

Shirin Ebadi

           

"Les gens vivent de façons différentes, au sein de civilisations diverses. Les gens parlent différentes langues et sont guidés par différentes religions. Mais ils ont une chose en commun, ce sont tous des êtres humains, ni plus ni moins."

Née en 1947 est une avocate iranienne, défenseur active des droits de l'homme. Elle a reçu le Prix Nobel de la Paix en 2003 pour son action en faveur des droits de l'homme et la démocratie. C'est la première femme musulmane et la première iranienne à recevoir ce prix.

Elle fut aussi la première femme en 1974 à être juge en Iran. Elle a dû abandonner son poste en 1979 à cause de la révolution iranienne lorsque des religieux conservateurs ont pris en main le pays et fortement limité le rôle des femmes.

Elle enseigne actuellement le droit à l'Université de Téhéran et œuvre pour la défense des droits des enfants et des femmes.

Elle est la porte-parole officieuse des femmes iraniennes qui ont joué un rôle clé dans la campagne présidentielle de Mohammad Khatami et depuis elle se bat pour que les femmes aient un plus grand rôle dans la vie publique.

Elle est aussi connue pour prendre la défense des dissidents de premier plan comme celle de la famille de Dariush Farouhar et de son épouse qui ont été retrouvés battus à mort. Il s'agit d'intellectuels menacés par des extrémistes opposés à la politique de Khatami qui a libéré le droit d'expression.

En 2000, Ebadi a été accusée d'avoir distribué une cassette vidéo montrant un de ces extrémistes révélant que des dirigeants conservateurs sont à l'origine de ces violences. Elle a été condamnée pour cela à une peine d'emprisonnement et une interdiction d'exercer. Ceci a attiré l'attention du monde sur les violations des droits de l'homme en Iran.

Elle fait partie de la direction de l'Organisation iranienne de protection des droits de l'enfant et de l'Association des défenseurs des droits de l'Homme en Iran.

Statut de la femme en Iran selon Shirin Ebadi


"L’islam n’est pas contre la liberté des êtres humains et de la femme", explique cette musulmane qui a décidé d’apparaître, malgré les menaces des intégristes de son pays, sans voile lors de la cérémonie (du Prix Nobel), "C’est la culture patriarcale qui est contre ce concept de l’égalité."
"Mes concitoyens doivent décider eux-mêmes s'ils veulent une république islamique démocratique ou un gouvernement laïc. Et les femmes doivent pouvoir choisir si elles veulent porter le voile, un chapeau ou rester tête nue. "
Depuis la Révolution, le statut des Iraniennes a connu des changements majeurs. On a notamment assisté à une importante régression du statut officiel légal des femmes. Mais parallèlement, leur place réelle dans la société iranienne s’est considérablement renforcée. Shirin Ebadi voit dans cette situation un des paradoxes de l’histoire iranienne récente.
A l’époque du Shah, la situation juridique de la femme, telle qu’elle était définie dans le code civil, était meilleure que celle qui existe sous la République Islamique.
Mais ces lois restaient sans effet parce que les réformes de la législation semblaient imposées par le haut. Elles n’étaient pas acceptées par le peuple.
Ainsi, il n’y avait que 24 à 25 % des filles dans les universités sur l’ensemble des étudiants tandis qu'en 2004 plus de 63% des étudiants sont des filles. Maintenant une grande partie des femmes iraniennes exige ses droits.


Droits de l'enfant

"Malheureusement, où que j’aille, je vois qu’on enseigne l’histoire de la guerre aux enfants. On écrit dans le livre d’histoire, qui a combattu, qui a gagné, qui a été soumis. Personne ne dit jamais quand nous avons renoncé à la guerre et que nous sommes arrivés à un compromis. Nous n’avons pas « l’histoire » de la paix, nous n’avons que « l’histoire » de la guerre."
Dès 1994, elle a fondé l’Association des Droits de l’Enfant. Au-delà de l’action humanitaire et éducative, cette organisation lutte au quotidien pour améliorer la législation et les pratiques qui concernent les enfants.
En outre, Shirin Ebadi se bat contre la loi islamique sur la majorité qui déclare les filles pénalement responsables à 9 ans et les garçons à 15 ans. De nombreux enfants pauvres travaillent afin de gagner de l’argent pour leur famille. Les centres mis en place leur offrent un lieu où ils peuvent vivre et aussi apprendre leurs droits. Le comité juridique de l’organisation instruit souvent des plaintes contre les institutions, plaintes qui provoquent parfois des changements majeurs de la loi.


Une simple avocate
Shirin Ebadi est la première musulmane à être distinguée dans l'histoire du Prix Nobel de la Paix. La distinction lui a été attribuée, "pour ses efforts en faveur de la démocratie et des droits de l'Homme". Depuis, elle est devenue un symbole de la lutte du peuple iranien pour la démocratie. Ce que les autorités de Téhéran dénoncent comme une "conspiration occidentale" suscite l’espoir d’un changement en de nombreux Iraniens. Elle se voit comme simple avocate qui se bat pour les droits de l’homme.
Après ses études de droit à Téhéran, Shirin Ebadi a été la première femme à devenir juge en Iran en 1975.
Mais elle a dû quitter son poste suite à la Révolution islamique de 1979.
Shirin Ebadi a alors repris sa carrière d’avocate, et enseigne depuis le droit à l’université de Téhéran. Sa lutte déjà ancienne en faveur de la défense des droits de l’homme l’a imposée comme l’une des avocates les plus controversées d’Iran.

En 2000 Shirin Ebadi a été emprisonnée à Evin, la plus grande prison d’Iran. En dépit des menaces dont elle a souvent fait l'objet, elle continue à se battre pour les droits de l'homme en Iran.

Avec d’autres avocats, la réforme de la Justice est l’un des grands combats qu’elle a choisi de mener.
Depuis des années, ils réclament des juges et des avocats indépendants du pouvoir judiciaire. Ils désirent que les procès politiques et ceux des journalistes se déroulent au sein de tribunaux ouverts à la presse, avec un jury.

En tant que musulmane, Shirin Ebadi tente d’offrir au monde une autre image de l’Islam. Partout où elle le peut, à contre-courant de la perception dominante, elle défend sa conviction : Islam et droits humains ne sont pas incompatibles.

"On abuse de la religion. On dit que le vrai Islam est celui que nous définissons et tout ce que d’autres diront au sujet de l’Islam est contraire à l’Islam. Et comme c’est contre l’Islam, nous avons le droit de condamner à l’excommunication. Et à la peine de mort… Toute critique du gouvernement est considérée comme une critique de l’Islam. Cela est très dangereux."

Ainsi cette militante infatigable des droits de l’homme rêve de créer un fond commun où tous les musulmans venant de divers pays donneraient une nouvelle interprétation de la Charia pour libérer les musulmans de leurs dirigeants totalitaristes, tout en respectant l’esprit du Coran et la noblesse de l’Islam et combattraient les états intégristes:
"Il faut éveiller les musulmans, leur dire que la clef du paradis n’est pas dans les mains des Etats islamiques et que chaque état qui se dit musulman ne l’est pas forcément. C’est la seule façon de faire naître enfin des mouvements islamiques dignes de ce nom et non des actes terroristes.C’est la seule issue pour un milliard de musulmans, c’est-à-dire un sixième de la population de la terre, qui sont fidèles à leur croyance et méritent d’avoir une vie meilleure."



Marjane Satrapi

Marjane Satrapi est née en 1969 à Rasht, dans la région de Guilan, sur les bords de la mer caspienne. Un peu azérie, un peu turkmène, un peu musulmane, un peu zoroastrienne. En un mot, Iranienne. Elle grandit à Téhéran où elle étudie au lycée français et aux Beaux-Arts, avant de partir à Strasbourg poursuivre les Arts Déco. C'est en arrivant à Paris qu'elle rencontre Christophe Blain qui la fait rentrer à l'Atelier des Vosges où officie un certain David B. C'est ce dernier qui va convaincre Marjane de faire un album à partir de ses souvenirs d'enfance.

Dans Persepolis, Marjane retrace les moments de sa vie liés à l'histoire de son pays et de sa famille ainsi que ses dix premières années, jusqu'à la chute du régime du Shah et le début de la guerre avec l'Irak. C'est un  livre politique, dramatique et touchant. C'est même la première bande dessinée iranienne. Elle réussit à faire passer tous les sentiments à travers de superbes dessins en noir et blanc et un langage aux accents autobiographiques.

Sa démarche est vraiment originale: faire connaître un pays, une culture à travers les vignettes de le BD, y évoquer la réalité, la mettre sous les yeux du lecteur grâce aux dessins. 

L'interview !

Marjane Satrapi

Auteur de ses mémoires dans "Persepolis", une série qui connaît un accueil
exceptionnel du public et de la critique



Marjane Satrapi est partie d'Iran pour venir en France faire du dessin. En chemin, elle a rencontré une bande d'auteurs de BD qui lui inocculé le virus de la BD. Alors, Marjane a entrepris de raconter son enfance iranienne dans une série intitulée Persepolis. C'est paru à l'Association et ça a connu très vite un grand succès : attribution de deux Alph-Arts à Angoulême, succès critique (il n'est qu'à consulter le "Top Album") mais aussi public avec près de 15.000 exemplaires vendus, dont la moitié en librairie généraliste. Même ceux qui disent ne pas aimer la BD, ne peuvent s'empêcher d'adorer !

Au delà de l'intérêt du reportage ou du témoignage de Marjane, ce qui touche dans ses livres, c'est qu'elle a su retrouver - ou préserver - son regard d'enfant et comme Marcel Pagnol, nous parler de son enfance avec un ton juste, universel.

Rencontre avec une déjà Grande Dame de la bande dessinée qui n'en a pas encore perdu sa fraîcheur, sa gentillesse et sa spontanéité pour autant !

Propos recueillis par Vincent

1 - Persepolis, livre à succès

Le premier album de Persepolis a déjà été vendu à près de 15.000 exemplaires


Persepolis T1
couverture

Vincent : Votre livre Persepolis T1 semble avoir trouvé un large écho auprès du public. Vous avez une idée du nombre d’exemplaires vendus ?

Marjane Satrapi : Je crois qu’il en a été imprimé 18.000 exemplaires et que plus de 13.000 ont déjà été vendus. Et apparemment le deuxième tome relance les ventes du premier. Mais tout ça c’est abracadabra pour moi parce que ça fait seulement un an que j’ai des livres publiés et sans vouloir jouer la " gentille fille ", le bouquin ne m’appartient que jusqu’à ce que j’aie fait la dernière page encrée. A partir du moment où je donne les feuilles et que ça part à l’imprimerie, c’est un projet fini. Bien sûr on écrit parce qu’on veut que les autres lisent. Dans le mot " publie ", il y a " public " : on s’adresse aux gens et plus ça marche, plus on est content. Mais ce n’est pas ma préoccupation numéro un. J’ai déjà la tête au projet suivant, à Persepolis 3.

Persepolis raconte la vie de Marjane enfant pendant la révolution islamique iranienne


Persepolis T2
Page 62

Le distributeur m’a dit que deux tiers des livres avaient été vendus en librairie généraliste à des gens qui ne commandent jamais de bande dessinée. Ca pour moi, c’est surprenant. En plus pour le premier tome, je n’avais fait aucune séance de dédicaces en librairie généraliste. Cette fois par contre, sur six

dédicaces j’en ferai la moitié en librairie généraliste. Comme je suis très bavarde, que j’aime beaucoup parler avec les gens, j’accepte facilement les invitations à des dédicaces et des conférences ou les demandes d’interviews lorsqu’elles émanent de journaux ou magazines que j’aime bien… J’ai toujours demandé à être entendue. Maintenant qu’on me demande de parler, je ne vais pas faire ma maligne et refuser ! Ca me fait plaisir de dire aussi ce que je pense. Mais la promotion de mes albums, ce n’est vraiment pas ma préoccupation première.

Je suis tombé sur une phrase d’un écrivain italien qui disait qu’écrire, pour lui, c’était la seule façon de parler sans être interrompu. Dans mon cas, je crois que c’est un peu pareil. Et il y a quelques milliers de personnes qui le lisent, tant mieux !

Vincent : Quelle est la genèse de cet album ? La bd n’était pas votre vocation première, je crois.

Marjane Satrapi : Non, la bd n’était pas ma vocation initiale, ni même l’illustration. J’ai toujours dessiné. J’étais graphiste au départ. J’ai fait les Beaux-Arts de Téhéran et obtenu une maîtrise de communication visuelle, ce qui voulait dire que j’avais fait un peu de tout, de l’illustration, du graphisme. Mon sujet de maîtrise portait sur la création d’un parc d’attraction sur les héros de la mythologie persane. Or parmi ces héros, il y avait en fait beaucoup d’héroïnes à cheval… ce qui ne correspondait pas à la situation de mon pays puisqu’une femme en tchador sur un cheval, ça ne fait pas très héroïne. Et puis c’était de la mythologie persane, sans aspect religieux alors ça ne pouvait pas marcher. J’ai eu ma maîtrise quand même. Mais pour moi c’était un vrai projet, j’avais même constitué une maquette d’architecte ! On peut toujours rêver, peut-être qu’un jour je le ferai quand même !

Puis je suis venue en France pour devenir graphiste et je suis entrée aux Arts Décos de Strasbourg. Je pensais faire de grandes affiches avec des aplats, des prospectus faits à la main… J’avais une vision très manuelle et artisanale de la chose qui correspondait à ce que j’avais appris en Iran et qui était issu des années 1960/70, très inspiré de l’école polonaise de l’affiche. Ce décalage était normal vu qu’après les années 1970 l’Iran s’est fermé aux influences extérieures. Or à partir des années 80 le graphisme a beaucoup évolué en Europe et ce que me présentaient les profs, la mise en page sur ordinateur, ne m’intéressait pas du tout. Je me suis retrouvée très frustrée et j’ai compris que ce n’était vraiment pas mon truc.

Ce sont mes profs qui m’ont conseillé de faire de l’illustration vu que chaque fois qu’ils me donnaient un sujet, je me mettais à dessiner. Un peu plus tard, je suis venue à Paris. Et il se trouve que ma meilleure amie à Strasbourg était la copine de Christophe Blain. Je suis donc venue m’installer à l’atelier des Vosges où il travaillait déjà. Et je me suis retrouvée à proximité de ce monde merveilleux qui faisait de la BD.

David B. qui est très intéressé par l’histoire de l’Iran et avec qui j’ai beaucoup discuté de ces choses-là, m’a dit un jour : " tu devrais en faire une BD ". Il m’a beaucoup aidé dans cette entreprise de même qu’Emile Bravo. Je me suis choisi ces deux parents parce qu’ils ont des styles très différents mais que j’ai des similitudes avec l’un et l’autre. Ils m’ont beaucoup soutenu sur le premier album. Et même sur le deuxième où Emile Bravo a relu mes textes, Christophe a regardé mes dessins, les a corrigés s’il y trouvait des défauts. Je m’estime encore élève apprentie avec beaucoup à apprendre. Heureusement j’étais en de bonnes mains.

Vincent : L’influence de David B. se ressent à la fois dans votre style de narration et votre dessin.

Marjane Satrapi : Surtout dans le dessin je crois parce que, même s’il y a une façon de raconter qui peut être similaire, on met l’accent sur des événements de la vie très différents. Avant de rencontrer David, j’avais un style personnel. Mais il faut que je vous dise que le premier album qui m’ait vraiment donné envie de faire de la bande dessinée, c’était <i>L’Ascension du haut mal</i> : c’est Delphine, la copine de Christophe Blain, qui me l’avait offert pour mon premier anniversaire en France et je suis vraiment tombé amoureuse de ce livre. Je me suis dit que s’il fallait faire de la bd, franchement c’était de la bd de ce genre. C’est vrai que j’ai une similitude de trait avec lui. Mais je ne peux que me sentir flattée qu’on compare mon travail avec celui de David, parce que je trouve qu’il dessine comme un Dieu alors que je ne considère pas que, moi, je dessine très bien.

Vincent : L’année dernière, vous avez été reçu l’Alph-Art du meilleur premier album. Ca vous a fait quoi ?

Marjane Satrapi : Franchement à part une petite statue ça ne change rien chez moi. Simplement comme c’était ma première bande dessinée, le fait qu’on l’ait distinguée me donne énormément de confiance en moi. Ca m’a aussi crédibilisé aux yeux des autres éditeurs que L’Association. J’ai toujours eu mille et une idées pour faire des choses que je n’ai pas pu sortir parce que je n’avais pas confiance en moi, je m’excusais d’être là. Je suis devenu crédible pour moi et pour les autres, ça m’a permis de

travailler avec plus de facilité et d’assurance. C’est surtout ça que ça m’a apporté. Et un peu de sous, ce qui n’était pas mal (rires).(1)

Vincent : Votre succès ne fait pas de jaloux à L’Association ?

Marjane Satrapi : Franchement non, ce n’est pas du tout ce que je ressens. Ca me touche d’ailleurs beaucoup que tous ces gens qui m’ont soutenue et qui ont des années d’avance sur moi en bande dessinée se réjouissent de ce qui m’arriva. Je crois qu’ils sont vraiment d’une bienveillance absolue à mon égard !

2 - Persepolis, chronique de l’enfance ou récit politique ?

Vincent : Ce qu’il y a d’admirable dans vos livres, c’est la façon dont vous avez su préserver, retranscrire la fraîcheur de l’enfance malgré le contexte éminemment politique de l’histoire.

Marjane Satrapi : Vous savez, au milieu de toutes les mauvaises choses que j’ai en moi, j’ai une grande qualité : je me souviens absolument de tout. Même les sensations. Je suis allée toute seule en Autriche. L’adolescence est un âge où on a besoin de ses parents pour qu’ils vous disent : " Il faut faire ceci, il faut faire cela ". Ils sont un peu vos juges, ils vous punissent parfois mais surtout ils vous mettent sur le droit chemin. Moi, je me suis trouvée privée de mes parents. Il a donc fallu que je sois juge moi-même, que je me punisse toute seule.

Comme ça faisait déjà beaucoup, que je ne pouvais pas

envisager le futur, j’ai toujours vécu dans mon passé, à revivre les événements en m’imaginant ce que mes parents m’auraient dit dans une telle situation. J’ai passé beaucoup d’années en ne vivant pas dans le présent parce que c’était difficile d’y vivre tel qu’il se présentait, en n’ayant aucune vision du futur parce que la situation n’était vraiment pas facile et que je ne pouvais pas faire comme les enfants de mon école qui disaient : " Après ça, on va faire ça et ça ! " Moi, je n’en savais rien. Je ne faisais des projections que dans le passé. Il est donc resté très vif.

En fait, mon travail le plus important pour Persepolis, ce n’est pas de dessiner : j’ai un dessin minimaliste, même si je travaille beaucoup les expressions. Je ne dessine pas beaucoup de décors, je ne travaille pas les cadrages, je trouve d’ailleurs que ce n’est pas nécessaire pour ce que je raconte. Et je suis paresseuse, je n’ai pas envie d’en faire plus. Non, l’essentiel de mon boulot, c’est de me souvenir comment je ressentais les choses quand j’avais six, dix ou treize ans. Parce que je trouve beaucoup plus intéressant que le livre évolue avec mes sensations d’alors plutôt que de faire semblant en tant que femme de 31 ans.

Pour écrire ses scénarios, Marjane fait un important travail de mémoire afin de restituer les évènements tels qu'elle les avait vécus enfant


Pesepolis T1
extrait P17

Je fais un important travail de mémoire, j’écris beaucoup et j’enlève tout ce qui n’est pas essentiel. Les encrages après ne me prennent pas beaucoup de temps. Si j’ai besoin d’un an pour qu’un bouquin sorte, c’est à cause de ce travail de mémoire.

Vincent : Je pense que c’est ce qui permet d’accrocher aussi bien à votre récit, cette ambivalence entre le contexte historique et politique et l’histoire d’une petite fille comme les autres.

Marjane Satrapi : L’an dernier, j’ai reçu une cinquantaine de lettres d’élèves d’un collège près d’Annecy qui avaient étudié Persepolis 1. Et à 11 ans, ils posaient plein de questions, ils avaient tout compris. C’était incroyable et très touchant. Je m’étais toujours dit que les êtres humains à travers le monde avaient les mêmes vœux, les mêmes souhaits, les mêmes envies, que c’est après, en grandissant qu’on nous inflige des idéologies, des façons de penser, des façons de faire qui nous donnent l’impression d’avoir des souhaits différents.

A la base les êtres humains sont pareils. Et je crois que les gens se reconnaissent dans mon récit, même s’ils se disent au départ qu’ils risquent de ne pas comprendre parce que je parle d’un endroit situé à 6.000 kilomètres de la France. En fait ils comprennent parce qu’eux aussi, ils ont pris une raquette de badminton et joué de la guitare avec sur une musique de hard rock. Et à partir de ce moment-là, c’est un choc pour eux de s’imaginer qu’à 6.000 km, une gamine de 13 ans est exactement comme les gamines d’ici.

Malgré un encrage dans l'histoire, Persepolis reste l'histoire universelle d'une petit fille


Pesepolis T2
Page 62

J’ai toujours pensé que les gens allaient s’approprier mon histoire. Alors quand j’ai vu que des gamins de 11 ans qui n’ont jamais connu les événements que je raconte ont tout compris et en sont émus, là je suis vraiment contente et je me dis que j’ai réussi ce que je voulais faire. C’est ça le succès que je m’accorde. Quand j’écris une histoire, ma seule préoccupation est de savoir si ce que j’écris est compréhensible, si le lecteur qui n’est pas de ma culture, comprendra ce que je veux dire. Tout ce qui m’importe, c’est de prendre la main de mon lecteur et de lui dire : " Viens, je vais te raconter une histoire, suis-moi ".

Vincent : Vous parlez d’un troisième album alors que j’étais persuadé que vous alliez vous arrêter avec ce second tome vu qu’à la fin du récit vous quittez l’Iran.

Marjane Satrapi : Non, je quitte l’Iran mais j’y retournerai. Je suis allé à Vienne en 1984 mais je suis rentrée en Iran fin 1988 et y suis restée jusqu’en 1994. Le troisième tome parlera de l’exil, du mien mais aussi de celui de tous ces iraniens qui ont quitté leur pays, la plupart du temps pour des raisons politiques plutôt qu’économiques, pour leur survie. Ce n’est jamais facile d’être exilé, de savoir que ses parents sont encore là-bas, qu’il y a des bombardements. A un certain moment on finit par ne plus rien vouloir savoir de ce qui se passe de l’autre coté parce qu’on ne peut pas le porter. J’étais trop jeune pour ça. Et un jour on pète les plombs, on n’en peut plus, il faut rentrer parce que la culpabilité vous tue. Je suis donc retournée en Iran où j’ai fait les Beaux Arts. Et je ne suis venue en France qu’en 1994. C’est seulement là que je m’arrêterai, avec donc une deuxième scène de départ en avion. Après ça deviendrait hors sujet. Il y aura donc quatre tomes, chacun sur une période bien différente, c’est très chronologique en fait.

3- Marjane, auteur de livres pour pour la jeunesse

Avant la bande dessinée, Marjane désirait écrire des livres pour enfants. Elle alterne donc les deux activités


Ajdas
Page 4

Vincent : Vous avez fait plusieurs livres pour enfants.

Marjane Satrapi : Oui, deux livres chez Nathan ainsi que <i>Sagesse et Malices de la Perse</i> chez Albin Michel où je ne suis qu’illustratrice. J’ai écrit un album chez Nathan qui s’appelle <i>Ulysse au pays des fous</i> qui a été illustré par Jean-Pierre Duffour ainsi que <i>Les Monstres n’aiment pas la lune</i> que j’ai entièrement réalisé. Et je suis en train de préparer un autre album, toujours chez Nathan qui s’appelle <i>Hachda le dragon</i> et qui devrait sortir en février 2002. Après j’ai encore un projet pour Nathan la même année. En fait, j’avais déjà écrit plein d’histoires pour enfants et j’arrive à les placer maintenant.

Vincent : Grâce à Persepolis et à l’Alph Art ?

Marjane Satrapi : Non, ce n’est pas lié : quand Nathan a signé le contrat pour les deux premiers livres, je n’avais pas encore publié Persepolis. Ca s’est passé au mois d’octobre 2000 et Persepolis est sorti le mois suivant. Je crois que quand j’ai fait Persepolis et que j’ai su que j’allais être publié, ca m’a donné de l’assurance. Avant quand j’allais chez l’éditeur, je disais en ouvrant mon book : " ça c’est de la merde… ". Comment voulez-vous faire confiance à quelqu’un qui s’excuse et qui dit elle-même qu’elle est de la merde ? Je ne dis pas du tout que c’est du cynisme, dû au mauvais coté des éditeurs. Il faut que les gens qui viennent les voir soient déjà convaincus eux-mêmes.

La plupart de ses livres pour enfants sont publiés aux Editions Nathan


Les monstres n'aiment pas la nuit
couverture

A l’époque où je suis allé voir Nathan, je savais que j’avais un bouquin qui allait être publié alors je m’en foutais un peu et j’étais beaucoup plus confiante. Ils ont pris la peine de lire les histoires, ça leur a plu et voilà ! En plus, comme on a eu un article dans Le Monde pour l’histoire avec Jean-Pierre Duffour, ils doivent avoir davantage confiance et maintenant, quand je propose quelque chose, ils le lisent attentivement et normalement ça marche. Et puis j’essaie de ne pas proposer n’importe quoi, je ne fais pas beaucoup de livres, je suis super exigeante sur ce que je fais, je peux réécrire une histoire quarante fois avant de la présenter…

Vincent : La bande dessinée ne sera pas une parenthèse de quatre années dans ta vie ?

Marjane Satrapi : Non, maintenant j’y ai pris goût. Avant je pensais que la BD, c’était un truc pour les chtarbes, les fous, les petits copains qui aimaient dessiner case après case. Et en fait j’aime bien ce qui dure super longtemps. Et la bande dessinée, ça demande énormément de boulot, de concentration et ça aussi, ça me plaît énormément. Et donc l’année prochaine je vais bien sûr faire Persepolis 3 mais aussi un autre album de bande dessinée toujours à L’Association. Et après Persepolis 4, je continuerai à faire d’autres bandes dessinées qui auront ou n’auront pas de rapport avec mon pays, je n’en sais rien.

 

4- Marjane Satrapi, une Perse de France

Marjane écrit aussi des contes pour qu'ils soient mis en image par des auteurs amis comme Jean-Pierre Duffour


Ulysse au pays des fous
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Vincent : Aujourd’hui, vous êtes toujours iranienne ou vous avez opté pour la nationalité française ?

Marjane Satrapi : A chaque fois que je vais en Iran, je suis chauviniste française alors qu’en France je suis nationaliste iranienne. Je suis un peu les deux, franchement. Je suis venue en France où j’ai eu la chance de tomber sur des gens qui m’ont accueillie à bras ouverts, qui ont toujours été très curieux, très intéressés. Mes meilleurs amis maintenant sont en France et ça fait sept ans que je construis des choses avec eux… Donc la France, c’est mon pays, je suis concerné par tout ce qui s’y passe.

Je suis Iranienne. Peut-être un jour aurais-je la double nationalité. Mais il y a des choses qu’on ne change pas, ma couleur de peau ne changera pas, je resterai très brune. Et il y a des choses en Iran que je n’aurai jamais en France. Je suis vraiment entre les deux. Je suis restée quatre ans en Autriche et je n’ai jamais senti que c’était mon pays.

Il y a une chose super incroyable qui m’est arrivé en 1998 pendant la coupe du monde de foot : je revenais d’Iran, j’avais la tête dans le sac, je n’avais pas regardé les matchs. Et le soir de la finale, une de mes amies m’appelle et me dit : " On a gagné ". Là j’ai pensé, c’est bon, ça veut dire qu’elle ne fait aucune différence entre elle et moi. Même si je ne suis pas de la même nationalité qu’elle par les papiers, pour elle c’est notre victoire. Et moi aussi je le ressentais comme ça.

Vincent : En Iran, vous avez toujours toute votre famille ?

Marjane Satrapi : Il n’y a plus que mes parents. La plupart de la famille de ma mère se trouve aux Etats Unis et celle de mon père en Russie. Les communistes contre les impérialistes.

Marjane conserve sa nationalité iranienne mais se sent chez elle en France où vivent tous ses amis.


Sagesse et malices de la Perse
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Vincent : Pourquoi vos parents restent-ils là-bas ?

Marjane Satrapi : Ecoutez, avant l’âge de trente ans, quand on n’a pas vraiment construit grand chose, c’est très facile de partir. Quand tous ces événements sont arrivés Mon père était déjà ingénieur depuis des années en Iran, il avait sa position. Et il est toujours parti du principe que, quand il n’y aura plus de guerre, il faudra qu’il y ait des gens pour reconstruire le pays, qu’on doit quand même des choses à son pays. Moi j’étais trop jeune et donc je devais partir mais lui non. Et puis il y a aussi une question de crise d’identité : chez vous, vous êtes quelqu’un mais si vous allez ailleurs, vous devenez personne. Et quand vous avez déjà un statut, c’est très difficile de recommencer à zéro. Moi je n’avais rien commencé en Iran donc je pouvais partir de zéro. Ils sont restés en Iran, ils y travaillent, ils adorent leur pays et ils sont contents de voir que les choses évoluent dans leur pays.

Vincent : Ils peuvent venir vous voir ?

Marjane Satrapi : Bien sûr, ils viennent régulièrement.

Vincent : Et vous, vous pouvez aller en Iran ?

Marjane Satrapi : J’y suis allée régulièrement jusqu’à l’an 2000. Maintenant j’ai beaucoup de travail et je préfère que ce soit eux qui viennent en France pour qu’ils profitent des petits plaisirs de tous les jours qu’ils ne peuvent pas avoir là-bas. Ma mère peut par exemple se balader sans avoir son foulard sur la tête. Moi, je connais déjà l’Iran j’y ai vécu quand même dix-neuf ans. Et le jour où je voudrai rentrer, je pense que je le pourrai. Et puis les choses évoluent là-bas. Les gens ont une grande conscience politique, la jeunesse veut que les choses bougent et je pense que ça continuera d’évoluer. Et j’en veux pour preuve la position adoptée par l’Iran face aux derniers événements qui ont marqué l’actualité. On voit que ce n’est plus une position très intégriste, très fondamentaliste. Ca a beaucoup changé et ça laisse beaucoup d'espoir.

Vincent : Vous trouvez les Français ouverts ?

Marjane Satrapi : Je les trouve très ouverts ! Avant, on me disait : " En France, il y a 8% d'extrême droite. " Oui mais il y a aussi 92% qui n’y sont pas. Et puis les 8% de cons ils existent dans tous les pays du monde, ce n’est pas propre à la France. Quand on dit que la France est une terre d’exil, d’accueil, je trouve que ce n’est pas faux, il y a une sorte de curiosité en France. La preuve : quand je voyage dans un pays je regarde la télévision. Comparez le nombre de documentaires proposés sur des pays étrangers, des ethnies, des mœurs ou des cultures différentes en France et aux Etats Unis par exemple… Ou à la télé italienne. Pourquoi montre-t-on ça à la télé française ? Parce qu’il y a des gens que ça intéresse ! Je n’ai jamais senti que j’étais victime de racisme. Dans mon pays aussi, il y a des gens qui peuvent me traiter de tous les noms ! Ce sont des cons. Et le con est international ! L’attitude générale en France est plutôt l’ouverture.

5 - Fidèle adepte de l’Association pour ses Coups de cœur et ses projets

Vincent : Pour finir, quels sont vos coups de cœur dans la bd actuelle ?

C'est à l'Association, son éditeur, que Marjane trouve les BD qui lui plaisent le plus...


Incertain silence
couverture

Marjane Satrapi : Ca va vraiment faire Marjane et ses copains. Mais évidemment les gens que j’apprécie le plus sont mes amis. Par exemple le travail de Christophe Blain, de David B., d’Emmanuel Guibert, de Joann Sfar, d’Emile Bravo... J’ai lu <i>Incertain Silence</i> de François Ayrolles qui met en scène Buster Keaton et je trouve cette BD vraiment super. J’aime aussi beaucoup le travail de Vincent Sardon à l’Association.

Vincent : Vous resterez fidèle à L’Association ?

Marjane Satrapi : Je suis de nature très fidèle. L’Association m’a fait entièrement confiance, ils ont une façon de voir les choses qui correspond exactement à la mienne. C’est vrai aussi qu’il faut vendre… Mais ils ne vont jamais me dire : " Il faut que tu fasses 46 pages ou 54 pages à cause du prix du papier ". Je peux faire le nombre de pages que je veux. Ils s’en foutent de perdre un peu d’argent là-dessus, ils ne vont pas calculer au centime prêt pour faire le maximum de bénéfices. Donc je trouve déjà ça super. En plus je trouve leurs bouquins graphiquement super beaux. Mes livres se vendent bien donc je gagne bien ma vie avec. Les gens qui travaillent là sont tous mes amis, je m’entends super bien avec eux. Et même à Angoulême, on n’a pas de séance de dédicace imposée, on n’est obligé à rien, on les fait si on a envie. Cette liberté, quelle autre maison d’édition me l’accorderait ? Alors tant que L’Asso existe, tant qu’ils veulent bien de mes projets, j’y reste. Comme les choses se présentent, L’association sera là très longtemps et je serai avec eux aussi longtemps.

(1) depuis l'interview, Persepolis 2 a encore été distingué par un Alph-Art en 2002, cette fois celui du Meilleur scénario.

 

Interview réalisée à Paris, Place des Vosges.

Vincent 

Samira Makhmalbaf

      

 

        Samira Makhmalbaf : "Je n'ai pas voulu parler de politique. Je pense que lorsque l'on est auteur, réalisatrice, il faut parler de la condition des gens, de ceux qui vivent en Afghanistan, plutôt que de politique. Bien sur, le personnage principal du film rêve de devenir Président de la république, mais j'ai également introduit ce jeune poète qui n'aime pas la politique car elle ne sert à rien selon lui. (...) Quand mon père a tourné Kandahar, tout le monde lui demandait pourquoi il avait décidé de parler de ce pays si insignifiant. Je voulais pour ma part m'attacher à la situation de l'Afghanistan (après la chute des talibans, NDLR). Je ne crois pas que cela soit possible grâce aux télévisions et aux satellites. On y a vu que les Américains avaient libéré l'Afghanistan, mais la réalité était totalement différente. J'ai essayé de mieux saisir la situation des hommes et des femmes dans le pays. (....) Le personnage principal du film est une femme. Il a été très difficile de la trouver car les Afghanes ne voulaient pas montrer leur visage. Leur condition s'est améliorée depuis 2002, mais elles avaient toujours peur d'un retour des talibans. Ne pas se montrer fait également parti de leur culture."      

Réalisatrice, Scénariste iranienne

Née le 15 Février 1980 à Téhéran (Iran)

Samira Makhmalbaf joue à l'âge de 7 ans dans Le Cycliste, réalisé par son père Mohsen Makhmalbaf, figure de proue du cinéma iranien (avec Abbas Kiarostami). Elle arrête le lycée à 14 ans pour se consacrer au cinéma. Elle suit l'enseignement que son père dispense à ses neveux, ses cousins et ses amis. Les films se font en famille. Ainsi, Moshen sera monteur et scénariste du premier film de la jeune femme.
Alors qu'elle n'a que 17 ans, et après avoir dirigé deux films vidéo, elle réalise son premier long métrage,
La Pomme. Elle y raconte avec poésie et émotion l'histoire vraie de jumelles de 11 ans, qui, dans un quartier populaire de Téhéran, ont grandi sans jamais sortir de chez elles. Un an plus tard, la réalisatrice de 18 ans devient la plus jeune cinéaste au monde à participer à la sélection officielle d'un festival de stature internationale (Cannes 98 en l'occurrence). Son film est présentée dans plus de 100 festivals en deux ans, tandis qu'il est distribué dans 30 pays.
En 1999, Samira réalise
Le Tableau noir et revient en compétition officielle à Cannes en 2000. Elle remporte le Grand prix du Jury. Puis elle participe à un film collectif sur les attentats du World Trade Center, intitulé 11'09''01 - september 11. Comme dans son deuxième film, elle y traite de la transmission du savoir. En 2003, la réalisatrice est à nouveau invitée à Cannes en compétition officielle avec A cinq heures de l'après-midi, qui remporte le Prix du jury et le Prix du jury oecuménique.

                                                                                                 

Remis par Judith Godrèche, le Prix du jury a été attribué à A cinq heures de l'après-midi de Samira Makhmalbaf. "Je ne veux pas être Présidente de la République, le plus célèbre étant George Bush, je préfère rester réalisatrice" a-t-elle estimé. Samira Makhmalbaf s'est dite "heureuse d'avoir un tel prix. On nous a accordé beaucoup d'attention à Cannes. C'est un film qui vient d'une région très éloignée et cela crée un contraste énorme avec la remise de ce prix. Cela montre que le film peut exister dans le coeur et l'esprit des gens".

Samira Makhmalbaf accueillie par une foule de photographes lors du festival de Cannes.

IRAN

CARTE D'IDENTITE

SITUATION

Régime politique : République islamique

Chef d'état : Ayatollah Ali Hoseini-KHAMENEI

Monnaie : Rial

Langue officielle : Persan

Superficie : 1.635.000 km2

Population : 66,6 millions

Capitale : Téhéran

Point culminant : Kuh-e Damavand, 5.671 m

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Les femmes écrivains et artistes engagées en politique dans les pays musulmans.
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